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Remarque : les modèles de directives au jury sont des gabarits que les juges doivent adapter aux circonstances particulières de chaque procès, et non pas simplement lire dans leur intégralité. Elles ne sont pas conçues pour être présentées « telles quelles ». On trouvera de plus amples renseignements sur l’utilisation des modèles de directives au jury dans la préface et l’avis aux utilisateurs, qu’on peut consulter ici.

Défense 16.1 : Troubles mentaux – Défense soulevée pendant le procès avant déclaration de culpabilité (art. 16)

Note[1]

(juin 2014)

Je vais maintenant aborder le moyen de défense fondé sur les troubles mentaux.

[1]              Vous n’aurez à examiner cette question que si vous êtes convaincu hors de tout doute raisonnable que (NDA) (préciser l’acte ou l’omission, c.-à-d. l’élément matériel de l’infraction). Si vous n’êtes pas convaincu hors de tout doute raisonnable que (NDA) a commis l’acte (ou l’omission), (NDA) a droit à un acquittement et vous n’aurez pas à examiner la défense de troubles mentaux.

[2]              Une personne n’est pas criminellement responsable si au moment l’acte (ou l’omission) est survenu elle était atteinte de troubles mentaux et, si en conséquence, elle ne pouvait juger de la nature ou de la qualité de l’acte (ou de l’omission) ou savoir que l’acte (ou l’omission) était mauvais. On a soulevé la question de savoir si tel était le cas de (NDA) dans la présente affaire.

[3]              Chacun est présumé ne pas être atteint de troubles mentaux. La non-responsabilité criminelle fondée sur les troubles mentaux doit être prouvée. Une règle spéciale s’applique au fardeau de la preuve propre aux troubles mentaux. Je vais maintenant vous l’expliquer.[2]

Lorsque la Couronne a soulevé la question des troubles mentaux, donner la directive suivante :[3]

[4]              La Couronne a soulevé la question des troubles mentaux. Je vous ai dit plus tôt que la Couronne doit prouver ses allégations hors de tout doute raisonnable. Toutefois, la norme de preuve à satisfaire pour établir la non-responsabilité criminelle de (NDA) est moins rigoureuse. Dans ce cas, la Couronne doit prouver qu’il est plus probable que le contraire que (NDA) n’est pas responsable criminellement en raison de l’existence de troubles mentaux.

Lorsque l’accusé a soulevé la question des troubles mentaux, donner la directive suivante :

[5]              (NDA) a soulevé la question des troubles mentaux. Je vous ai dit plus tôt que le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable incombait à la Couronne et que (NDA) n’avait pas à prouver quoi que ce soit. La question des troubles mentaux est une exception à cette règle. (NDA) doit prouver qu’il est plus probable que le contraire qu’il n’est pas responsable criminellement en raison de troubles mentaux au moment l’infraction a été commise. Cette norme de preuve est moins rigoureuse que la norme de preuve hors de tout doute raisonnable.

NOTE : Le juge du procès doit donner des directives au jury sur la question du témoignage d’expert. Insérer la directive sur le témoignage d’expert (directive finale 10.3) et apporter les adaptations nécessaires. Si la directive a déjà été donnée, rappeler au jury comment utiliser la preuve d’expert.

[6]              Afin de décider si (NDA) est exonéré de la responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux, vous devez examiner les questions suivantes :

1.    Est-il plus probable que le contraire que (NDA) était atteint d’un trouble mental au moment l’acte (ou l’omission) est survenu ?
2.    Est-il plus probable que le contraire que le trouble mental de (NDA) le privait au moment en cause de la capacité[4] a) de juger de la nature et de la qualité de l’acte (ou de l’omission) ou b) de savoir que l’acte (ou l’omission) était mauvais ?

Je vais maintenant revoir ces questions avec vous.

[7]              Première question : Est-il plus probable que le contraire que (NDA) était atteint d’un trouble mental au moment il a commis l’acte (ou l’omission) ?

Un trouble mental est une maladie mentale.[5] La maladie mentale comprend toute maladie, tout trouble ou tout état anormal qui affecte la raison humaine et son fonctionnement, à l’exclusion des états volontairement provoqués par l’alcool ou les stupéfiants[6] , et des états transitoires comme l’hystérie ou la commotion[7] .

Il s’agit là du sens juridique de la maladie mentale. Vous devez appliquer cette définition et non pas une autre définition qu’un avocat ou un expert pourrait avoir utilisée. Je vous dis qu’en droit la/le (préciser l’état mental invoqué par (NDA)) est une maladie mentale. Il vous appartient de décider s’il est plus probable que le contraire que (NDA) était atteint de (préciser l’état mental invoqué par (NDA)) au moment où l’acte (ou l’omission) est survenu.

(Revoir la preuve pertinente.)

Si vous répondez oui à cette question, vous devez passer à la prochaine question. Si vous répondez non à cette question, (NDA) n’est pas exonéré de responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

[8]              Deuxième question : Est-il plus probable que le contraire que le trouble mental privait (NDA) au moment en cause de la capacité a) de juger de la nature et de la qualité de l’acte (ou de l’omission) ou b) de savoir que l’acte (ou l’omission) était mauvais ?

1.    Une personne ne peut juger de la nature et de la qualité de son acte (ou omission) si elle ne sait pas ce qu’elle fait, ou ne prévoit pas ou ne comprend pas les conséquences de son acte (ou omission). On parle ici des conséquences matérielles, et non pas des conséquences juridiques.

(Revoir la preuve pertinente.)

2.    Demandez-vous si le trouble mental a privé (NDA) de la capacité de décider rationnellement si l’acte (ou l’omission) était mauvais et, par conséquent, de faire le choix rationnel de commettre l’acte ou non (ou d’omettre l’acte ou non).[8]
3.    Dans la présente question, « mauvais » signifie moralement mauvais, selon la norme de la personne ordinaire. Cela ne veut pas dire mauvais sur le plan juridique ni mauvais selon les croyances personnelles de (NDA).

(Revoir la preuve pertinente.)

Pour arriver au verdict spécial de non-responsabilité criminelle, vous n’avez pas à conclure que le trouble mental privait (NDA) non seulement de la capacité de juger de la nature et de la qualité de l’acte (ou de l’omission) mais aussi de la capacité de savoir que l’acte (ou omission) était mauvais. Si chacun d’entre vous arrive à la conclusion que le trouble mental rendait (NDA) incapable de l’un ou de l’autre, cela est suffisant. Vous n’avez pas à être tous d’accord sur le même.

Demandez-vous s’il est plus probable que le contraire que le trouble mental de (NDA) au moment en cause le privait de la capacité a) de juger de la nature et de la qualité de l’acte (ou de l’omission), ou b) de savoir que l’acte (l’omission) était mauvais.

Si vous répondez oui à la question, vous devez déclarer (NDA) non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux.

[9]              Si vous n’arrivez pas à la conclusion que (NDA) était atteint de troubles mentaux ou, s’il en était atteint, que ceux-ci le privaient de la capacité de juger de la nature et de la qualité de son acte (ou omission) ou de savoir que l’acte (ou l’omission) était mauvais, vous devez examiner la preuve relative aux troubles mentaux avec tous les autres éléments de preuve afin de décider si la Couronne a prouvé hors de tout doute raisonnable l’intention (ou préciser l’état d’esprit, p. ex. l’insouciance, l’ignorance volontaire, la connaissance ou la négligence, etc.) requise pour (préciser l’infraction).

Lorsque l’accusé invoque la défense de troubles mentaux et qu’il refuse d’être interrogé par le psychiatre pour la Couronne ou de participer pleinement au processus d’évaluation, le jury devrait être informé qu’il peut en tenir compte pour évaluer la preuve de la défense. Cependant, cette directive ne doit pas être donnée si la Couronne soulève les troubles mentaux alors que l’accusé a le droit d’invoquer le droit au silence.[9]

(NDA) a soulevé la question de sa capacité mentale et a présenté une preuve d’expert au soutien de sa défense. Cependant, il a refusé d’être interrogé par le psychiatre pour la Couronne (ou n’a pas participé pleinement au processus d’évaluation). Le refus de (NDA) peut vous amener à accorder moins de poids à la preuve présentée au soutien de la défense de troubles mentaux. C’est une question que vous devez décider en vous fondant sur l’ensemble des circonstances.

[10]           Votre verdict doit être fondé uniquement sur votre évaluation de la preuve, des observations des avocats et du droit, tel que je vous l’ai expliqué. Vous ne devez pas tenir compte des conséquences d’un verdict spécial de non-responsabilité criminelle. Cependant, vous devez savoir que notre droit prévoit un mécanisme selon lequel les personnes déclarées non criminellement responsables en raison de troubles mentaux ne sont pas remises en liberté si elles posent un risque important à la sécurité du public.

[1] Le moyen de défense fondé sur les troubles mentaux peut être soulevé de deux façons différentes. L’accusé peut soulever la question en tout temps, y compris après que le jury a rendu son verdict, mais il doit le faire avant la libération du jury. Si la défense met en doute, directement ou indirectement, la capacité mentale de l’accusé pendant le déroulement du procès, la Couronne a le droit de soulever la question des troubles mentaux pendant le déroulement du procès. Sinon, la Couronne ne peut soulever la question des troubles mentaux qu’à la suite d’un verdict de culpabilité, mais avant la libération du jury. Utiliser la présente directive (16.1) si la question des troubles mentaux est soulevée pendant le procès. Utiliser la directive 16.2 si la question des troubles mentaux est soulevée après que le jury a rendu un verdict de culpabilité. Une fois que le jury a été libéré, le juge n’a plus juridiction pour instruire la question.

Il appartient au juge du procès de décider si l’état dont l’accusé dit être atteint correspond en droit à un trouble mental; il appartient au jury de décider si les faits démontrent que l’accusé était atteint du trouble en question.

Le jury doit examiner l’actus reus de l’infraction avant d’examiner le moyen de défense fondé sur les troubles mentaux. Il est préférable de donner des directives sur ce moyen de défense avant que l’élément moral soit déterminé. Voir R. c. David, [2002] O.J. no. 3455 (C.A. Ont.); R. c. McClenaghan, 2008 ABCA 7. Cependant, dans les cas où d’autres moyens de défense sont soulevés, p. ex. la légitime défense, il faut informer le jury d’examiner les éléments de ces moyens de défense avant ceux de la défense fondée sur les troubles mentaux.

La défense fondée sur les troubles mentaux peut s’exprimer de différentes façons selon les faits en l’espèce. Par exemple, l’accusé pourrait soutenir qu’il n’agissait pas volontairement. La défense correspond alors à l’automatisme avec troubles mentaux, qui nie le caractère volontaire, élément essentiel de l’actus reus. L’accusé pourrait également soutenir qu’il n’avait pas la mens rea nécessaire pour commettre l’infraction parce qu’il croyait, par exemple, hacher de la laitue alors qu’il s’agissait de la tête de la victime. L’accusé pourrait aussi tenter de s’exonérer en invoquant que la victime était « l’incarnation du mal » et qu'elle détruirait la terre entière s’il ne la tuait pas (R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303).

[2] Si l’accusé témoigne, modifier la directive fondée sur l’arrêt W.(D.) (voir la directive finale 9.6).

[3] La Couronne ne peut chercher à obtenir une déclaration de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux que dans deux situations. La première, lorsque l’accusé a été déclaré coupable, mais avant l’inscription du verdict. La deuxième, lorsque l’accusé a mis en doute sa capacité mentale, mais n’a pas cherché à obtenir une déclaration de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Voir R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933.

[4] L’art. 16 du Code criminel prévoit deux façons d’obtenir une déclaration de non responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux. Selon la preuve présentée, des directives sur l’une ou l’autre, ou les deux, pourraient être nécessaires.

[5] Voir l’art. 2 du Code criminel.

[6] Voir R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58, aux par. 69-70. Dans l’affaire R. c. Turcotte, 2013 CAQ 1916, au par. 118, la Cour d’appel du Québec a déclaré que dans un cas où l’existence de troubles mentaux est établie et où il existe une preuve d’intoxication volontaire, le jury doit s’assurer que la cause de l’incapacité de l’accusé est bien le trouble mental, malgré l’intoxication.

[7] Voir R. c. Cooper, [1980] 1 R.C.S. 1149 à la p. 1159.

[8] Voir R. c. Oommen, [1994] 2 R.C.S. 507, à la p. 516. Voir aussi Joan Barrett et Riun Shandler, Mental Disorder in Canadian Criminal Law (Toronto : Thomson Carswell 2006) (feuilles mobiles).

[9] Voir R. c. Charlebois, 2000 CSC 53. Voir également R. c. Worth (1995), 98 C.C.C. (3d) 133 (C.A. Ont.); R. c. Sweeney (No. 2) (1977), 35 C.C.C. (2d) 245 (C.A. Ont.); R. c. Stevenson (1990), 58 C.C.C. (3d) 464 (C.A. Ont.).